ACHETER EN DECEMBRE 2022
Après avoir serré la vis sur les crédits immobiliers depuis un an, et excluant depuis des mois toute réforme du taux d'usure, les autorités demandent aux banques… plus de souplesse. Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), à l'issue d'une réunion mardi, a appelé les établissements bancaires à davantage utiliser les dérogations auxquelles elles ont le droit pour prêter de l'argent aux jeunes ménages primo-accédants.
Pour rappel, c'est le même HCSF, qui regroupe notamment le ministre de l'Economie, le gouverneur de la Banque de France et le président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui a rendu contraignantes ce qui n'était jusque-là que des recommandations. Plus précisément, les règles d'octroi pour des crédits immobiliers sont devenues obligatoires le 1er janvier 2022. Dans le détail, ces règles limitent la durée des prêts immobiliers (à 25 ans sauf dans le neuf où la limite est fixée à 27 ans, en cas de différé d'amortissement) et l'endettement des ménages (à 35% assurance incluse). La décision du HSCF "est bien respectée", estime ce dernier dans un communiqué publié mardi.
Sauf que les banques ont le droit de déroger à ces règles pour 20% de leur production de crédits par trimestre. 80% de cette flexibilité doit concerner les personnes qui achètent leur résidence principale (dont 30% de ménages qui accèdent à la propriété ou "primo-accédants"). Sur les 20% restants les banques font ce qu'elles veulent.
"Des progrès sur l'affectation de cette flexibilité vers le financement des résidences principales et des primo-accédants restent à faire, par certains établissements", précise dans le communiqué le HCSF. En termes plus clairs, le Haut Conseil estime que les banques ne jouent pas complètement le jeu et restreignent trop l'accès aux crédits en ce moment, en particulier pour les publics les moins favorisés.
"Au deuxième trimestre 2022, la production de crédits qui ne respecte pas les critères d’octroi définis dans la décision s’établit à 13,7%, soit une proportion largement inférieure à la marge de flexibilité prévue de 20%", soulignait déjà le HCSF en septembre dernier.
Dans la pratique, il est devenu de plus en plus difficile d'obtenir un crédit, en particulier pour les ménages modestes. Ce que constate l'ensemble des acteurs immobiliers depuis plusieurs mois. Si les règles d'octroi jouent un rôle, elles correspondent toutefois globalement à la façon dont fonctionnaient les banques depuis longtemps. Le facteur le plus restrictif est aujourd'hui le taux d'usure.
Le taux d'usure est le taux maximal auquel les banques sont autorisées à prêter. Ce taux d'usure prend en compte le taux du prêt mais aussi celui de l'assurance-emprunteur et les frais annexes. Il est actualisé une fois par trimestre par la Banque de France, à partir des taux moyens observés les trois derniers mois augmentés d'un tiers. Actuellement, il est de 3,05% pour les prêts de 20 ans et plus. Or, les taux d'intérêts exigés par les banques sont déjà trop proches de cette barre. "En novembre 2022, le taux moyen des crédits du secteur concurrentiel (hors assurance et coût des sûretés) s’est établi à 2,25%", constate L’Observatoire Crédit logement CSA dans sa dernière publication mensuelle.
Le taux d'usure empêche donc les banques de répercuter leurs propres coûts de refinancement sur les emprunteurs sauf à faire des crédits à perte. C'est pourquoi elles coupent le robinet du crédit, en attendant le relèvement qui aura lieu le 1er janvier prochain. Mais la bouffée d'oxygène risque d'être encore une fois de courte durée, les taux continuant d'augmenter trop rapidement par rapport à l'actualisation du taux d'usure.
La triple contrainte qui pèse sur les banques (taux d'usure, taux d'endettement et durée maximum de crédit) limite ainsi drastiquement leurs marges de manœuvre. Comment se montrer plus flexible quand les dossiers vont de toute façon dépasser le taux d'usure? Par exemple, si une banque décide de prêter sur plus de 25 ans et sans respecter le taux d'endettement de 35%, encore faut-il que cela ne dépasse pas le taux d'usure. Or, plus on allonge les durées, plus le risque est grand et plus le taux d'usure sera facilement dépassé.
De ce point de vue, si les autorités veulent rendre l'accès au crédit plus aisé, elles vont devoir nécessairement jouer sur les paramètres qu'elles ont elles-mêmes imposés aux banques. Tout en faisant bien attention à ne pas mettre en difficulté des ménages qui ne seraient pas capables sur le long terme d'assumer un prêt immobilier. Le gouvernement marche donc sur des œufs.
En attendant, le nombre de prêts accordés diminue rapidement. L’Observatoire Crédit logement CSA fait état d’une chute de production (les montants accordés) de 36,4% entre septembre et novembre par rapport à la même période en 2021. La baisse est de 37,3% sur un an pour le nombre de prêts.
"Confrontée à un taux d’usure inadapté dans le contexte du relèvement du principal taux de refinancement de la BCE, l’offre bancaire s’est contractée", résume l’Observatoire Crédit logement CSA. Sans réflexion sur l'ensemble des paramètres, il est peu probable que le phénomène s'inverse dans les mois à venir. A moins d'une improbable baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne.